Qu’ils opèrent en hybride, à distance ou en présentiel, les salariés sont confrontés au défi de la hausse du coût de la vie. Dans quelle mesure ce contexte économique peut-il affecter leur bien-être professionnel ? Quelles stratégies les professionnels des ressources humaines peuvent-ils envisager ?
Dans cet article
Depuis que la pandémie a conduit au confinement de millions de Français à leur domicile, le monde professionnel a accordé de plus en plus de place au télétravail et ses variantes. Mais alors que les entreprises de l’Hexagone continuent d’ajuster les modes de travail proposés à leurs employés, un défi de taille tend à complexifier leurs stratégies : celui des effets de l’inflation sur le bien-être financier de leurs collaborateurs.
Des dépenses jusque-là communément assumées par les salariés, telles que le fait de se déplacer au bureau ou de régler l’entièreté d’une facture d’électricité dans le cadre du télétravail, représentent désormais une source de pression supplémentaire importante pour leur budget. Le ressenti de “devoir payer pour travailler” peut non seulement se profiler comme un risque pour l’engagement des employés sur le long terme, mais aussi jouer en défaveur de l’attractivité d’une organisation auprès des talents.
Quelles dépenses pèsent plus particulièrement sur le porte-monnaie des travailleurs ? Sont-elles différentes selon que l’on travaille en mode hybride, à distance ou en présentiel ? Quelles solutions et avantages les responsables de ressources humaines peuvent-ils implémenter pour améliorer leur stratégie de rétention ? Voici les thématiques explorées dans la deuxième partie de cette étude menée par Capterra auprès de 2716 répondants de 11 pays différents, dont 244 répondants vivant en France.
Une méthodologie complète de cette étude est disponible au bas de cet article.
43 % des Français en hybride et à distance ne sont que partiellement satisfaits par leur environnement de télétravail
Que ce soit de façon partielle ou à temps complet, près de la moitié des entreprises françaises ont désormais introduit le télétravail au sein de leurs opérations. Les modèles de travail à distance et hybride, jusque-là peu répandus sur le territoire, font à présent partie du quotidien des salariés.
Cette tendance est illustrée par les résultats de notre étude, puisque près de 44 % des personnes interrogées travaillent en hybride et 16 % entièrement à distance.
Cette organisation du travail correspond également au mode opérationnel de prédilection des employés interrogés. Si le choix leur était donné, 49 % opteraient pour le travail en hybride et 42 % pour le travail entièrement à distance.
Bien que les résultats de notre enquête corroborent les efforts des organisations françaises à proposer une plus grande flexibilité opérationnelle à leurs employés, certains aménagements mis en œuvre ne semblent pas encore optimaux. Parmi les employés travaillant à distance ou en hybride, ils sont 43 % à indiquer que leur environnement de travail à distance actuel ne répond que partiellement à leurs besoins et préférences.
Comment expliquer un tel décalage ? L’une des explications peut se trouver du côté du contexte économique actuel.
Dans la section suivante est abordée la question des conséquences de l’inflation sur le budget des employés amenés à travailler partiellement ou intégralement à distance.
Alimentation et énergie, des dépenses de télétravail incontournables et en hausse
Avec l’avènement du télétravail, les salariés ont pu faire l’expérience des avantages financiers présentés par ce modèle. Qu’il s’agisse de la réduction des dépenses liées aux trajets domicile-travail, pour déjeuner à l'extérieur, ou encore celles associées à l'investissement dans des vêtements professionnels, plusieurs postes de dépenses ont été allégés.
Pourtant, cette catégorie de travailleurs n’en demeure pas moins soumise à des impératifs budgétaires importants dans un contexte d’inflation. Les dépenses supplémentaires du télétravail (courses alimentaires, électricité ou gaz pour la préparation des repas et l'utilisation du chauffage, électricité utilisée par le matériel informatique) peuvent contribuer à alourdir les charges des employés.
Les résultats de notre étude mettent en lumière cette problématique : lorsqu’interrogé sur les dépenses du quotidien ayant le plus augmenté, l’ensemble de notre panel met en exergue les frais alimentaires (89 %) et ceux liés à l’énergie (83 %), soit des frais affectant plus particulièrement les employés amenés à travailler à domicile. Et si les salariés des pays européens voisins font part ici d’une expérience similaire, c’est au sein de l’Hexagone que ce constat est le plus fortement reporté.
Bien qu’il puisse permettre aux employés d’économiser, notamment sur les frais de déplacement, le télétravail n’est donc pas non plus exempt de coûts. En outre, cette organisation de travail soulève la question de la responsabilité des employeurs vis-à-vis de la prise en charge des dépenses occasionnées par ce modèle.
Dépenses liées au télétravail : qui doit les assumer ?
En France, la question des frais liés au télétravail a déjà donné lieu depuis 2021 à un aménagement de la législation. Le décret du 26 août 2021 vise ainsi à garantir le versement d’une indemnité forfaitaire pour les agents de la fonction publique, et ce, afin de participer aux dépenses supplémentaires liées à leur exercice professionnel à distance.
Bien que des accords collectifs ou accords de branches donnent la possibilité aux employeurs du secteur privé de proposer une allocation forfaitaire aux télétravailleurs, ce dispositif n’est pas à ce jour encadré par la loi et ne présente aucune obligation pour l’employeur.
Toutefois, qu’une entreprise soit tenue ou non de participer aux dépenses occasionnées par le travail à distance, proposer des politiques de compensation adaptées peut se révéler comme un facteur d’engagement et d’attractivité auprès des talents et candidats. Ceci peut aider à améliorer la satisfaction des employés en poste en favorisant leur bien-être financier, tout en présentant un avantage concurrentiel face à des organisations ne proposant pas d’avantages de ce type.
Pour comprendre quelles sont les attentes des salariés en la matière, nous avons interrogé l’ensemble de notre panel sur qui, de l’employeur ou de l’employé, devrait assumer les coûts liés au télétravail.
Comme l’illustre le graphique ci-dessous, la plupart des répondants estiment que les coûts associés aux équipements (ordinateurs, téléphones, périphériques) ainsi que le matériel ou les fournitures devraient être couverts par leur entreprise.
Il est également à noter que certains répondants se prononcent en faveur d’une responsabilité partagée entre employé et employeur pour les factures d’Internet (43 %) et les factures énergétiques (43 %). On peut ici voir la corrélation entre les effets de l’inflation sur ce type de charges et le souhait exprimé par les répondants d’une meilleure répartition des coûts.
Les allocations de télétravail sont des avantages sociaux qui encouragent les employés à acheter les articles nécessaires pour optimiser leur espace de travail. Dans le secteur privé, il revient aux entreprises de déterminer quels éléments sont éligibles pour être couverts par ce forfait, ces dernières pouvant bénéficier en échange d’une exonération des charges par l’URSSAF.
Pour les entreprises faisant le choix d’une telle stratégie, la clarté et la communication sont essentielles pour déterminer quelles dépenses liées au travail à distance peuvent être prises en compte. Les points clés suivants sont ainsi à considérer :
- Politiques de l'entreprise : il est essentiel pour les employeurs d’établir des politiques claires précisant les dépenses qu'ils couvrent et les procédures de remboursement.
- Documentation et remboursement : il est important pour les salariés de tenir un registre des dépenses éligibles et de soumettre des demandes de remboursement conformément aux politiques et procédures de l'entreprise. Certaines plateformes de ressources humaines peuvent permettre aux employés de télécharger ce type d’informations via un portail dédié.
- Mises à jour et révisions : réviser périodiquement leurs politiques de couverture des frais peut aider les employeurs à s'assurer qu'elles sont adaptées à l'évolution de la dynamique du travail à distance et aux exigences légales. Un logiciel de compliancepeut notamment aider à analyser la conformitédes règlements avec les lois en application.
La hausse du coût de travail n’est pas seulement une problématique qui concerne le travail à distance. Différents postes de dépenses sont également affectés lorsqu’il est question de travail en présentiel.
En cas de hausse des coûts du travail en présentiel, 70 % des Français seraient prêts à demander une augmentation
Si le modèle hybride des entreprises intègre une part de travail à distance, le temps accordé au présentiel demeure prévalent comme en atteste l’expérience des répondants concernés. Sur les 44 % des employés opérant selon cette organisation du travail, ils sont 26 % à travailler principalement au bureau. Par ailleurs, sur l’ensemble des salariés de notre panel, 36 % opèrent intégralement en présentiel.
En ce qui concerne le travail en présentiel, seuls 12 % des employés travaillant sur site ou en hybride se sont vus demander de travailler plus de jours en présentiel qu'il y a 12 mois, soit la proportion de répondants la plus faible par rapport à leurs voisins européens. Pourtant, la France est l’un des pays où le niveau de mécontentement à l'égard des exigences du travail sur site est le plus haut (71 %), juste après l’Italie (76 %), là où le Royaume-Uni atteint le niveau le plus bas (46 %).
La question de l’augmentation des coûts liés au travail en présentiel semble également jouer un rôle important sur la satisfaction et l’engagement des salariés. Quand nous avons demandé à l’ensemble des salariés quelle serait leur réaction en cas de dépenses trop importantes réalisées pour travailler sur site :
- 70 % demanderaient une augmentation,
- 56 % chercheraient un nouveau poste,
- 30 % réduiraient leur productivité.
Le contexte d’inflation actuel peut donc bel et bien se présenter comme un paramètre important à prendre en compte par les entreprises dont les opérations requièrent la présence sur site de leurs employés.
Dans la section suivante, nous analysons quels coûts spécifiques sont en mesure d’affecter le bien-être financier des salariés travaillant en partie ou intégralement au bureau.
Essence, transports publics et frais de bouche : ces coûts qui pèsent sur le budget des employés travaillant en présentiel
Lorsqu’il a été demandé aux répondants amenés à travailler sur site de quelques jours par semaine à tous les jours d’indiquer quels coûts principaux se font ressentir dans le cadre du travail en présentiel, ceux de l’essence (34 %), des repas (32 %) et des transports publics (29 %) sont évoqués.
La première partie de notre étude a pu mettre en évidence l’incidence de la hausse des coûts des transports sur les politiques de retour au présentiel des entreprises. Cependant, la problématique des dépenses associées à la pause déjeuner est un paramètre qui semble également être bien présent dans le quotidien des salariés français travaillant en présentiel. En comparaison avec les autres pays européens de notre panel, la France se place même en première position des salariés ayant désigné ce poste de dépense comme l’un des plus importants.
Analyser ces facteurs peut aider les responsables de ressources humaines à identifier quelles ressources peuvent être proposées pour faciliter l’engagement des salariés se rendant au bureau. Nous allons par la suite détailler quels sont les avantages proposés par les entreprises les plus plébiscités par les employés français de notre panel.
Repas et flexibilité motivent les employés à revenir au bureau
Proposer des aménagements et des avantages sur site peut s’avérer essentiel pour contrebalancer les charges financières engagées par les employés travaillant sur site et améliorer leur satisfaction.
Selon les résultats de notre étude, les avantages suivants sont parmi les principaux qui incitent les employés travaillant sur site ou en mode hybride à se rendre au bureau :
- Des repas gratuits ou subventionnés : pour 72 %, proposer des services de cantine ou des chèques-repas comme avantage peut augmenter l'implication des salariés dans leurs déplacements au bureau. Si un service de cantine peut se révéler une solution particulièrement onéreuse pour une structure de petite taille, les titres-restaurants sont des avantages pouvant être proposés aux employés en échange d’une exonération des charges des cotisations sociales de l’employeur. Outre les économies qu’il permet aux employés de réaliser, cet avantage peut notamment offrir l’occasion de se réunir autour d’un repas et de partager un moment privilégié en équipe. Ceci peut contribuer à renforcer les relations interpersonnelles entre les collaborateurs ainsi que l’esprit d’équipe.
- Des horaires de travail flexibles : pour 66 %, la flexibilité des horaires apparaît comme fondamentale. Cet avantage contribue à l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle des salariés, en leur permettant d’adapter leur vie au travail aux impératifs de leur vie personnelle, tels que les horaires de sortie d’école ou pour éviter les heures de pointe sur la route.
- Des avantages pour la mobilité : pour 57 %, proposer des avantages de mobilité est source d’engagement. Que ce soit sous la forme d’une contribution à leurs frais d’essence ou aux cartes de transports en commun, cet apport peut aider à réduire les dépenses occasionnées par la hausse des coûts touchant particulièrement ceux devant parcourir une distance conséquente.
- Des avantages liés au bien-être : pour 54 %, les avantages associés au bien-être sont également jugés comme motivants. Alors que des risques psychosociaux tels que le stress peuvent peser sur le moral mais aussi sur les performances des employés, proposer des programmes leur permettant de prendre soin de leur santé aussi bien physique que mentale peut également contribuer à leur satisfaction.
Payer pour travailler, avec modération
La tendance inflationniste a des implications profondes sur le bien-être financier des employés et s’ajoute aux défis des employeurs pour maintenir la motivation et l’engagement de leurs talents. De plus, la mutation de l’organisation du travail demande aux responsables des ressources humaines d’identifier les incidences de ce phénomène sur les différents contextes professionnels de leurs employés.
C’est dans ce contexte particulier que les avantages sociaux proposés par une entreprise prennent toute leur importance. Pour les employeurs, il est crucial de procéder à une évaluation de la valeur de leurs avantages sociaux pour leur entreprise et leur personnel, et d’identifier comment ces derniers peuvent s’intégrer au sein de leur politique de rémunération globale.
Évaluer les besoins spécifiques de leurs employés et de leur entreprise, revoir leur offre actuelle et combler les lacunes identifiées peut jouer un rôle essentiel pour aider leurs employés à faire face aux défis économiques rencontrés. Ce processus requiert une approche stratégique et nuancée prenant en compte le rôle clé des avantages sociaux pour attirer et retenir le personnel sur le long terme.
Méthodologie
L'étude Capterra 2024 Cost of work survey a été réalisée en ligne en mars 2024 auprès de 2 716 répondants aux États-Unis (n=250), au Canada (n=250), au Brésil (n=244), au Mexique (n=245), au Royaume-Uni (n=248), en France (n=244), en Italie (n=250), en Allemagne (n=246), en Espagne (n=246), en Australie (n=248) et au Japon (n=245). L'objectif de l'étude était de connaître les coûts supportés par les employés pour travailler, que ce soit à distance ou en présentiel. Les personnes interrogées ont été sélectionnées pour leur emploi à temps plein ou à temps partiel.