Des impératifs liés à la transition numérique de nos sociétés à la gestion du bien-être des salariés, confrontés aux récents contextes de crise sanitaire et d’inflation, différents facteurs ont bouleversé les fonctions traditionnellement attribuées au rôle de manager. Quelles pratiques de management sont à envisager dans le monde professionnel de demain ?

Perspectives d’évolution du management de demain

Les dernières années l’ont démontré : dans une période  marquée par la remise en question de la fidélité des salariés envers leurs employeurs, mais aussi par de nouvelles pratiques d’entreprise à l’aune du développement technologique, les compétences demandées aux managers vont désormais bien au-delà de la seule réflexion stratégique ou du contrôle des objectifs à atteindre.

Comprendre les problématiques humaines qui peuvent entraver les performances professionnelles, favoriser la diversité et un traitement égalitaire de leurs équipes, ou encore faciliter la maîtrise et l’adoption des solutions numériques au sein de leurs équipes pour fluidifier leurs projets, voici tout autant de réalités impliquant la nécessité d’une évolution du management pour s’adapter aux défis actuels.

Afin d’aider les managers à appréhender les challenges majeurs auxquels ces derniers doivent faire face en 2023, cet article aborde les thématiques de l’impact de la transition numérique, des nouveaux modes de travail et de l’intelligence émotionnelle sur leurs fonctions. Capterra a également fait appel aux conseils de trois professionnels des ressources humaines et du management interrogés sur le sujet :

Conseils d’experts sur l’évolution du management et ses défis
  • Cécile Dejoux, conférencière, professeur des universités au Cnam, affiliée à l’ESCP BS et directrice de l’observatoire des transformations managériales et RH, le Learning Lab Human Change. 
  • Jérôme Friteau, directeur des relations humaines et de la transformation pour L'Assurance retraite, enseignant à Sciences-Po Paris et administrateur pour Le Lab RH.

Des managers face à la transformation numérique

Les compétences numériques ont un impact sur presque tous les aspects d'une organisation. Des menaces de cybersécurité à la gestion des données des clients, en passant par l'optimisation des processus, la transformation numérique est au cœur des préoccupations les plus pressantes d'une organisation.

Cependant, la transformation numérique ne se limite pas à la seule implémentation de nouveaux logiciels, processus, et technologies plus efficaces et automatisés que les pratiques et processus traditionnels : il s'agit d'une manière souvent entièrement nouvelle et innovante de réaliser les opérations quotidiennes d’une entreprise qu’il convient de s’approprier, comme le décrit Jérôme Friteau.

Qualités et compétences des managers à l’ère du numérique selon Jérôme Friteau

Cela induit la prise en compte de différents paramètres, dont la capacité des organisations et de leurs managers à engager les salariés à prendre part à cette transformation, mais aussi le fait de disposer des compétences et connaissances adéquates pour mettre en œuvre les changements nécessaires. Les résultats d’une enquête effectuée en octobre 2022 par Capterra illustrent cette difficulté, la formation et l’acceptation de l’usage de nouvelles technologies par leurs employés restant l’un des défis principaux rencontrés par 41 % des organisations françaises consultées.

Lorsque les employés sont habitués à réaliser leurs tâches selon une certaine méthode, la transformation numérique exige d'eux de perfectionner ou d’acquérir une meilleure connaissance dans le domaine du numérique. Une résistance peut être rencontrée, tous les salariés n’étant pas prêts à embrasser ce type de changement ou à suivre un programme de formation qu’ils peuvent estimer complexe ou chronophage. Dans ce cas, il est particulièrement difficile pour les managers de motiver leurs équipes et de les encourager à adopter de nouvelles solutions.

Un autre défi rencontré concerne les managers eux-mêmes. S’il est important que ces derniers disposent d’une certaine expertise en matière d’outils numériques, maîtriser les données qui y sont associées s’avère tout aussi essentiel. L’adoption de technologie permet aux organisations d'accéder à des informations cruciales qui sont de plus en plus souvent à l'origine d'une prise de décision éclairée, mais aussi synonyme d’une valeur ajoutée pour leur compétitivité.

Évaluer les pics d’activité de leurs équipes, savoir dans quelle proportion certains projets ou tâches impactent positivement ou négativement les résultats de l’entreprise occupent une place de plus en plus importante dans les fonctions managériales. L'intuition et l'expérience personnelle ne suffisent plus ; on attend désormais des managers qu'ils s’appuient sur des données spécifiques pour étayer leurs prises de décision.

Cécile Dejoux propose ainsi de prendre en compte les points clés suivants dans une stratégie d'accompagnement  managériale de la transformation numérique.

Compétences clés des managers pour l’accompagnement de la transition numérique selon Cécile Dejoux

Toutefois, et comme l’explique Jérôme Friteau, les compétences numériques ne doivent pas se substituer mais compléter les qualités de gestion humaine d’un manager, car :

Même si le manager est "augmenté" par la profusion de datas, sa valeur ajoutée reste sa capacité à comprendre et guider les femmes et les hommes qui composent son équipe. Les données numériques ne créent pas des managers inspirants, ne favorisent pas la cohésion et la solidarité au sein d'une équipe. Bien maîtrisées, elles peuvent en revanche aider le manager à consacrer son temps aux intéractions, à la régulation, à l'écoute, et alléger son reporting, rendre plus pertinente sa supervision.
Jérôme Friteau

Conseils aux entreprises :

Entre résistance des employés, manque d’expertise ou encore contraintes budgétaires, plusieurs responsabilités liées à la transformation numérique reposent sur les épaules des managers. Pour les aider à gérer au mieux ces différents challenges, il est important de renforcer leur implication, ainsi que celle de leurs équipes, dans la stratégie numérique déployée par l’entreprise. La réalisation d’un audit des procédures en cours peut être combinée à un sondage des employés, afin de déterminer quels processus gagneraient selon eux à être améliorés ou automatisés.

Outre une formation à l’utilisation des outils, il est également possible de permettre aux managers, voire à certains membres de leurs équipes, de participer à  la sélection d’une nouvelle solution. Les convier à la démonstration préalable des logiciels envisagés peut les aider à se familiariser à la façon dont un outil numérique peut répondre à leurs problématiques quotidiennes, tout en permettant d’identifier l’adéquation réelle d’un logiciel à la réalité de leurs missions.

La nécessité de composer avec la donne des nouveaux modèles de travail

Alors qu’ils restaient encore peu répandus avant la crise sanitaire, les nouveaux modèles de travail sont devenus une réalité pour de nombreuses d’organisations.

Une étude réalisée par Capterra en juin 2022 a pu confirmer cette tendance, puisque 42 % des répondants sollicités ont déclaré travailler en hybride et 10 % à distance. 63 % de l'ensemble de ces employés ont même indiqué l’intention de leur employeur d’adopter ces modèles de façon permanente.

Synonyme d’une plus grande flexibilité pour les salariés, le travail distanciel et en hybride n’est pas sans présenter divers challenges pour les managers. Établir une relation de proximité et de confiance avec les membres de leur équipe malgré la distance fait partie des difficultés expérimentées par de nombreux responsables.

Face à cette problématique, l’une des solutions envisagées par certaines entreprises a été d’opter pour l’implémentation d’outils de surveillance, tels que des logiciels permettant d’identifier l’activité des salariés sur leur ordinateur, des solutions pour gérer les taux de présence, voire d’implémenter des systèmes de géolocalisation.

Le principe de surveillance des employés travaillant à distance peut présenter des avantages, en encourageant par exemple une utilisation plus efficace du temps de travail, ou en renforçant la sécurité des données et des systèmes d’une structure par l’identification de pratiques pouvant nuire à leur intégrité. Cependant, il n’est pas sans soulever une certaine méfiance de la part des salariés, percevant un contrôle trop accru de la part de leur employeur. 68 % des employés consultés par Capterra en février 2022 ont par ailleurs  jugé le recours à ce type d’usage comme dommageable pour la culture d’une entreprise. Comme l’explique Cécile Dejoux :

En France, la RGPD protège les collaborateurs, et le monitoring au travail est collectif ou anonyme ; à l’étranger il peut être individuel. Tout est une question de culture et de posture : avoir des data, pour quoi faire ? Contrôler ou faire progresser ?
Cécile Dejoux

S’il est important pour tout manager de savoir quelles activités ont lieu au sein de son équipe, d’autant plus lorsque celle-ci travaille à distance, privilégier l’autonomie de ses collaborateurs ainsi qu’une communication transparente sur les processus établis sont des priorités à garder à l’esprit.  Une communication opaque autour de potentiels outils de surveillance utilisés, ou la pratique d’un micromanagement via ces solutions numériques présentent trop souvent le risque d’entraîner le désengagement des employés, l'insatisfaction au travail et la diminution des performances.

Conseils aux entreprises :

Qu'elle fonctionne selon un modèle distanciel ou non, chaque entreprise a des objectifs à atteindre ainsi que des processus à respecter. Il convient cependant de parvenir à trouver un juste équilibre entre l'autonomie allouée aux employés et les exigences de performances liées à leur mission.

Premier point de contact avec les salariés, les managers ont un rôle essentiel à jouer pour permettre de concilier ces deux impératifs. Pour ce faire, ces derniers peuvent s’appuyer sur des outils Kanban permettant de responsabiliser les employés dans la réalisation de leurs tâches, de suivre la progression de leurs activités, tout en laissant de l’espace pour une communication ouverte quant aux échéances et résultats espérés.

Dans le cas où des outils de surveillance sont utilisés, expliquer clairement leur fonctionnement, pourquoi ils sont nécessaires et comment ils peuvent profiter à l’entreprise et aux employés est indispensable. C’est uniquement en s’assurant d’une bonne compréhension de leur utilisation auprès des managers qu’une organisation peut espérer réduire une perception négative de ces solutions.

L’intelligence émotionnelle, une valeur ajoutée pour la fonction managériale

Parce qu’ils travaillent au plus près d’individus à la personnalité unique et aux expériences variées, les managers doivent déployer chaque jour un ensemble de compétences non-techniques (“soft skills”) tout aussi importantes que les compétences pratiques (“hard skills”) requises par leur rôle.

Défini pour la première fois en 1990 par les chercheurs américains John Mayer et Peter Salovey, avant d'être popularisé par le psychologue Daniel Goleman, le concept d’intelligence émotionnelle est décrit comme la capacité à comprendre et à gérer ses propres émotions, ainsi qu'à reconnaître et à influencer les émotions de ceux qui nous entourent.

L'intelligence émotionnelle joue un rôle important dans la réussite professionnelle des managers, apportant une valeur ajoutée à leurs équipes ainsi qu’à leur organisation. Qu’il s’agisse de gérer une situation stressante, de délivrer un feedback difficile, ou encore d’améliorer la collaboration d’une équipe, différentes situations nécessitent de mettre en œuvre ce principe pour prendre soin du capital humain d’une entreprise dont ils ont la responsabilité. Si cette qualité reste un élément clé, elle doit toutefois être associée à des softs skills cruciaux, tels que celui de l’assertivité, comme l’évoque Cécile Dejoux.

Importance de l’association de l’assertivité et de la bienveillance selon Cécile Dejoux

Dans une période où plusieurs facteurs externes s’ajoutent aux inquiétudes personnelles des salariés, un manager capable de gérer ses émotions, de percevoir les besoins émotionnels des autres et d'agir en conséquence avec tact, diplomatie et sang-froid peut contribuer à maintenir le bien-être mental et l’engagement des salariés.

Il s’avère toutefois que cet aspect peut être encore sujet à une amélioration dans les pratiques managériales des entreprises, notamment lorsqu’il est question d’aborder la problématique de la santé mentale des employés. Lors d’une étude menée par Capterra en janvier 2023, 64 % des salariés interrogés ont déclaré n’avoir jamais abordé la question de leur santé mentale auprès de leur responsable. Toutefois, Jérôme Friteau le précise : s’il n’est pas du ressort des managers d’être des experts en matière de santé mentale, certaines ressources restent à leur disposition.

Conseils de Jérôme Friteau pour la prise en compte de la notion de santé mentale

Des questions de réserve personnelle peuvent certes expliquer l’inconfort de certains employés à l’idée d’évoquer ce sujet dans un environnement professionnel. Cet inconfort peut cependant être aussi lié à l’absence de moments dédiés à ces discussions, ainsi qu’à un manque de formation pour évoquer ces sujets.

Conseils aux entreprises :

Les managers ont un rôle crucial à jouer pour “faire en sorte que chacun se sente responsable de  sa propre santé mentale et n’attende pas la solution de l’entreprise”, selon  Cécile Dejoux. Cette dernière fait également référence à une feuille de route pouvant servir de base aux responsables quant à la gestion de ce paramètre, nommée le Management par le CARE, dont elle décrit ainsi les 3 piliers : 

  • "Le Self CARE : savoir s’occuper de soi et de sa santé mentale pour être ancré, bien dans sa peau au travail
  • Le Team CARE : savoir prendre soin de chacun des membres de son équipe pour valoriser leur singularité
  • Le Planet CARE : participer collectivement avec son équipe à une innovation participative liée au développement social, environnemental afin de trouver du sens, apprendre de nouveaux outils et découvrir des collègues”

À l’ère où la bonne santé mentale et émotionnelle des employés s’avère un enjeu essentiel pour leur rétention, comprendre comment gérer non seulement ses propres émotions, mais aussi celles des autres, est un outil précieux pour gérer une équipe et établir des relations professionnelles positives. Pour ce faire, il est nécessaire pour une organisation d'investir dans le développement des compétences de ses managers, en leur permettant d'acquérir de nouvelles aptitudes en matière d'intelligence émotionnelle. Organiser des formations spécifiques, mais également définir des valeurs d’entreprise prônant la prise en compte de ce paramètre font partie des solutions qui peuvent être envisagées.

Quelles perspectives pour le management de demain ?

Quel que soit le secteur dans lequel évoluent les entreprises, toutes sont confrontées à une problématique commune : la société dans laquelle nous vivons connaît des transformations profondes, et tout particulièrement dans le domaine technologique.

Cécile Dejoux donne pour exemple la croissance de l’usage de l’intelligence artificielle, pour laquelle des compétences nécessaires sont à développer. Parmi ces compétences clés, cette dernière évoque la compétence de discernement, nécessaire pour comprendre mais aussi évaluer les apports de cette technologie, ainsi que celle de centrage :

L’innovation accélère. Les nouvelles façons de travailler avec le numérique ont des effets collatéraux sur les collaborateurs. L’IA réalise de plus en plus de tâches comme le classement, la synthèse, l’analyse, la prédiction. Le manager doit comprendre ce nouvel univers en devenant “IA compatible” et en même temps il doit développer les compétences que l’IA lui vole, ce sont les compétences de centrage : la mémoire, l’attention, la gestion du stress, l’énergie.
Cécile Dejoux

Qu'il s'agisse d’adapter des processus et des compétences pour rester en phase avec les avancées technologiques, de faire évoluer la culture d'entreprise pour accroître la transparence et répondre aux attentes nouvelles des salariés, les managers sont au centre de la mise en oeuvre de stratégies cruciales pour définir le monde du travail de demain. L’audace est ici également un facteur clé de leur réussite, comme l’explique Jérôme Friteau :

Le leadership passe par l'action. Et l'action dans un monde du travail marqué par l'incertitude, voire de plus en plus par l'inattendu, nécessite une prise de risques, des tentatives, et des expérimentations.
Jérôme Friteau

Si leur compréhension et leur expertise quant aux enjeux numériques sont des compétences à valoriser pour tout responsable d’équipes, leurs qualités humaines sont bien plus essentielles qu’elles ne pouvaient l’être auparavant. Les responsables d'aujourd'hui sont confrontés à des événements majeurs dans le monde du travail, ainsi qu’à la gestion de facteurs externes économiques et sociaux pouvant affecter leurs collaborateurs. De la pandémie à la récession économique, sans oublier les inquiétudes liées aux problèmes environnementaux, ces derniers sont appelés à défendre une certaine éthique, à préserver le bien-être de leurs employés, tout en jonglant avec le stress généré par les incertitudes du quotidien. L’ensemble de ces paramètres sont ainsi mis en avant par Cécile Dejoux lorsqu’elle décrit les différentes facettes du manager de demain :

Le manager de demain sera agile, modélisateur et manager par le CARE dans un monde hybride, incertain, accéléré.
Cécile Dejoux

Bien que de nombreux éléments échappent à leur contrôle, ces derniers peuvent toutefois contribuer à une meilleure rétention et stratégie de gestion des gestions de talents, en participant à une culture axée sur la prise en compte de l’humain, le retour d'information constructif, et la confiance mutuelle.

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