L’évolution d’Internet et les nouvelles technologies qui y sont associées ont eu un impact important sur les pratiques des entreprises. Le Web3 (aussi connu sous le terme de Web 3.0) se présente comme ce qui pourrait être une nouvelle étape pour le développement du web mais aussi pour les professionnels.

Dans cet article
Suivre de près les nouvelles dernières tendances apportées par la sphère du Web est devenu un élément stratégique pour les entreprises. Alors que le Web1 (Web statique) s’appuyait sur des technologies permettant la distribution de l’information, que le Web2 (Web social) était synonyme de l’avènement des blogs et réseaux sociaux, le Web3 (Web sémantique) se définit comme un internet décentralisé, accordant une part importante à des technologies telles que la blockchain ou les cryptomonnaies.
En renforçant la confidentialité de leurs données et le contrôle qu’ils peuvent exercer sur leurs propres activités, le Web3 pourrait être synonyme d’un changement radical des habitudes de navigation et d’achats en ligne des consommateurs. Quelles sont donc les opportunités et les challenges liés à son adoption pour les entreprises ?
D’un web statique à un web décentralisé
Annoncé comme la future transition de l’Internet vers un nouveau modèle, le Web3 laisse présager d’une transformation de la relation des utilisateurs avec le monde digital. Concept s’inspirant des principes initialement définis par l’informaticien Tim Berners-Lee, co-créateur du principe du World Wide Web, le Web3 offre aux utilisateurs un changement majeur : celui de faire de chaque individu le propriétaire et le garant de ses propres données.
Pour Frédéric Cavazza, consultant et conférencier en transformation digitale, “Le Web3 désigne un nouveau palier de maturité dans les technologies, usages, et pratiques numériques”, et ne peut, selon lui, se définir comme “une révolution, [mais plutôt comme] une nouvelle étape dans l’évolution continue des pratiques.”’
Mais quelles sont les caractéristiques spécifiques de ce concept ?
Pour comprendre l’évolution et la portée réelle du Web3, il est important dans un premier temps de revenir sur ses différences fondamentales avec les versions précédentes du Web.

Le Web1, Web statique
Correspondant à la première ère de l’Internet grand public, développé dans les années 90, le Web1 se réfère à un Web dit syntaxique, soit générant peu d’interactions entre les utilisateurs et les créateurs de contenu. Dans cette version du Web, les internautes sont ainsi limités à la lecture d’information, sans pouvoir effectuer de retours auprès de la source qui la diffuse. Parmi les exemples de contenus qui peuvent être cités et se référant au Web1, on peut citer notamment les pages web statiques ou encore les pages web personnelles, incluant principalement des informations textuelles et des images.
Le Web2, Web social
Le Web2, apparu dans les années 2000, correspond à l’ère du net que nous connaissons actuellement, soit un web social et participatif. Ce dernier repose sur sa capacité à mettre en relation les utilisateurs : internautes et créateurs de contenus ont ici la possibilité de communiquer et d’échanger par commentaires interposés. Le concept des réseaux sociaux est ainsi l’une des applications les plus connues du Web2.
Le Web3, Web sémantique
Le Web3 est quant à lui considéré comme une solution à un défi majeur et actuel rencontré par les utilisateurs : celui du contrôle, de la circulation et de la propriété de leurs données. Le principe du Web3 invite chaque personne concernée à contrôler son activité en ligne, et donc à supprimer les intermédiaires jusque-là impliqués dans la gestion de ses données.

Quatre technologies du Web3 et leur intérêt pour les entreprises
Avec l’essor d’Internet, les entreprises ont pu s’appuyer sur de nombreuses technologies pour soutenir leur activité : l’intégration du social commerce dans leur stratégie de vente en lien avec le Web2, ou encore la généralisation de la communication par e-mail issue du Web1 en sont tout autant d’exemples.
Quelles sont les technologies du Web3 à surveiller pour les entreprises ?
Parmi les tendances technologiques associées au Web3, quatre en particulier peuvent être mises en avant : la blockchain, les cryptomonnaies, le smart contract (ou contrat intelligent), et les dApps (pour “decentralized applications”, soit “applications décentralisées”).

La blockchain, base fondamentale du Web3

L’une des caractéristiques du Web3 est le principe de la blockchain sur lequel il repose. Les données en ligne sont stockées et consultables par toute personne autorisée, tandis qu’un système de cryptographie permet de sécuriser les informations partagées et les transactions effectuées.
Concept indissociable du Web3, ce système se définit comme un registre numérique de transactions, dupliqué et distribué sur l’ensemble du réseau des systèmes informatiques (ordinateurs ou autres appareils) qui le constituent.
Face à la multiplicité des solutions en matière de blockchain, Frédéric Cavazza formule la recommandation suivante : “Ce que les entreprises doivent surveiller, ce n’est pas la blockchain, mais plutôt les blockchains de troisième ou de quatrième génération : elles doivent étudier leurs caractéristiques et avantages et inconvénients pour identifier celles qui sont les plus pertinentes en fonction de leurs objectifs ou contraintes.’’
L’industrie alimentaire fait partie des secteurs qui ont commencé à intégrer ce système au sein de leurs processus. Un consommateur peut ainsi photographier un QR code figurant sur l’emballage d’un produit et consulter les informations liées à sa traçabilité, grâce à l’enregistrement et au transfert des données opérés par un système de blockchain.
Les cryptomonnaies, ou la décentralisation des transactions
Le Web3 est intimement lié au développement des cryptomonnaies. Ces monnaies virtuelles et décentralisées fonctionnent sur le principe de la blockchain, permettant de réaliser et de valider toute transaction. Les cryptomonnaies sont fondées sur le concept d’un écosystème financier excluant l’intermédiation d’un organisme financier traditionnel, accessible aussi bien aux particuliers qu’aux professionnels.
Pour les entreprises, adopter les cryptomonnaies comme mode de paiement peut représenter une opportunité pour élargir leur base de consommateurs en offrant un choix innovant au moment du règlement, en addition des méthodes de paiement classiques. Des entreprises telles que Home Depot ou encore Whole Food ont effectué ce choix stratégique en proposant cette option à leurs clients pour faire l’acquisition de leurs produits.
Selon une étude Capterra menée en 2021, près de 51 % des Français interrogés déclaraient avoir une confiance modérée à forte pour effectuer des transactions en ligne sécurisées en cryptomonnaies, démontrant un intérêt pour ce système alternatif de paiement. Si cette méthode de paiement numérique peut être une option à considérer, l’usage des cryptomonnaies peut ne pas s’adapter au fonctionnement de toutes les PME. Il est nécessaire pour ces dernières de disposer d’une compréhension complète du processus avant d’investir et de mettre en œuvre une telle solution.
Le smart contract, ou contrat intelligent
Équivalent digital d’un contrat papier, un smart contract est stocké sur une blockchain et s’exécute dès lors que les conditions requises sont remplies. Il permet d’automatiser l’exécution d’un accord entre différentes parties, sans intervention d’un intermédiaire, tel qu’un responsable juridique.
Les smart contracts peuvent permettre aux entreprises de générer des actions telles que l’accord d’un contrat de travail ou de location de locaux, ou encore à la création d’un billet d’entrée pour un événement spécifique.
Les dApps, ou applications décentralisées
Les applications décentralisées (dApps) sont des applications qui fonctionnent sur une blockchain ou un réseau d’ordinateurs pair-à-pair (P2P) au lieu d’un seul ordinateur, contrairement aux applications classiques qui opèrent sur une seule unité centrale.
Comme l’explique Anthony Rochand, CEO et co-fondateur de la société Les Experts du Web, “Les dApps sont prises en charge par des navigateurs Web3 comme Brave ou encore Status. Ces navigateurs permettent aux utilisateurs d’interagir avec leur dApp via le navigateur de leur smartphone ou de leur PC sans avoir besoin d’un logiciel supplémentaire installé sur leur appareil. Ces dApps permettent aux entreprises de développer de nouvelles solutions à des problèmes qui étaient auparavant impossibles à résoudre en raison des limitations de vitesse et d’évolutivité.”
Les dApps visent à optimiser la transparence et la traçabilité des informations collectées, tout en supprimant le contrôle d’une autorité unique, et sont principalement utilisées à ce jour dans le secteur de la finance décentralisée (“Defi”), celui du jeu vidéo, et servent aussi à acheter, vendre et échanger des jetons non-fongibles (abrégés “NFT” en anglais).
Le Web3, un terrain d’innovation pour les entreprises
Toutefois, le Web3 reste un horizon à explorer pour les entreprises, pouvant les aider à redéfinir un nouveau rapport et une nouvelle expérience pour leurs clients.
Grâce au Web 3.0 alimenté par l’Intelligence artificielle, les entreprises pourraient par exemple mieux cerner les besoins des acheteurs, et définir des actions marketing plus proches de leurs attentes. Comme l’indique Gartner (article en anglais), l’ère du Web 3.0 incite les professionnels à mieux comprendre les données de leurs acheteurs et les moyens de les utiliser pour orienter leurs décisions de marketing.
Pour les professionnels du marketing de contenu, il représente également l’opportunité d’une monétisation facilitée de leurs contenus :

Avec la blockchain, les contrats intelligents et les applications décentralisées, les entreprises n’auront également pas la nécessité de solliciter des prestataires de services tiers. Cet aspect peut représenter un avantage de réduction de coûts tout en les aidant à être plus compétitives. Chaque entreprise peut ainsi contrôler l’ensemble des opérations internes et interagir directement avec les clients sans interférences externes.
Enfin, puisque chaque transaction devra être enregistrée au sein d’un registre accessible à toutes les parties concernées, le Web3 peut contribuer à des actions plus transparentes et responsables des entreprises vis-à-vis de leurs clients. Les transactions commerciales sont ainsi traçables par les consommateurs, contribuant à la création de relations durables avec ces derniers.
Le Web3, l’opportunité de renforcer le lien de confiance entre entreprises et consommateurs
Bien qu’Internet ait favorisé l’échange d’ informations entre utilisateurs ainsi que la diffusion des messages des entreprises, il a également fait surgir certaines craintes chez les consommateurs. À l’heure où le partage des données est inhérent au monde numérique, nombreux sont ceux qui affichent des réserves quant à la façon dont le traitement de ces informations est opéré.
L’un des exemples récents est celui des données biométriques des utilisateurs communiquées pour authentifier, entre autres, l’identité des personnes sur un site Internet. Une étude Capterra réalisée en 2022 a ainsi révélé que 58 % du panel de consommateurs français interrogés étaient “peu à l’aise” voire “mal à l’aise” à l’idée de communiquer ce type d’informations auprès d’entreprises privées.
En quoi le Web3 peut-il répondre à cette problématique ?
Propriété des données des consommateurs et transparence
Le Web pourrait permettre aux entreprises de renouer un pacte de confiance avec leurs clients, en promouvant le retour du contrôle des données par les utilisateurs eux-mêmes. La technologie blockchain utilisée dans le Web 3.0 a pour but de décentraliser les données qui y sont stockées, et par essence les rendre transparentes en limitant les risques liés à la détention d’importantes quantités de données par des grands groupes technologiques.

Authenticité et qualité des données partagées
En ne s’appuyant plus sur le simple stockage des données stockées et des modèles de marketing soutenus par la publicité, le principe du Web3 favorise des contenus générés par les utilisateurs et leurs interactions entre eux, ce qui pourrait induire une plus grande ouverture et authenticité dans les informations partagées. Les entreprises seraient donc en mesure d’exploiter des préférences publiées volontairement et d’adapter leur offre à la demande réelle de leurs clients.
Comme l’indique Frédéric Cavazza : “Les projets Web3 s’articulent autour d’une vision ou d’un projet auxquels des individus participent pour former des micro-communautés au sein desquelles existe le principe de partage de la valeur. Il ne suffit pas de lancer un projet reposant sur une blockchain, il faut aussi définir une vision ou ambition suffisamment légitime pour mobiliser les participants potentiels, mais également des modalités d’implication qui soient mutuellement profitables (à l’entreprise comme aux participants).”
Une future adoption déjà soumise à des défis
Bien qu’une future transition du web soit en train de s’opérer, cette dernière doit encore faire face à des challenges d’ordre technique ou encore juridique.
En voici trois :
1. La méconnaissance des technologies liées au Web3
Pour beaucoup d’utilisateurs, la technologie de blockchain n’est pas encore un principe largement répandu ou vraiment compris. Pour des novices ou personnes peu averties, la compréhension du fonctionnement de ce type de technologies pourrait s’avérer un premier frein à leur engagement total.
De plus, si les technologies liées au Web 3.0 sont orientées vers des systèmes aptes à prévenir les risques informatiques, ces dernières ne sont pas immunisées contre les failles de sécurité liées au manque de connaissance des utilisateurs. Si la décentralisation a pour but de responsabiliser ces derniers, elle peut aussi exposer les internautes moins informés à des escroqueries, comme en témoignent certaines expériences autour de l’utilisation des cryptomonnaies.
2. Des éléments techniques requis sans précédent
Les technologies associées au Web3 représentent un niveau de connectivité qui n’a jamais été vu auparavant sur Internet. À l’image de la blockchain, le matériel pouvant supporter son infrastructure se doit d’être adapté. Frédéric Cavazza le souligne :”Il y a […] un défi technique, car la blockchain est un authentique paradigme informatique qui demande de repenser le fonctionnement des applications et outils traditionnels.” Se pose donc sur le plan pratique la question de l’acquisition du type d’appareils requis pour pouvoir utiliser le Web3. Ce dernier pourrait être une barrière d’accès à cette technologie par le grand public et les petites structures.
3. Un concept gourmand en électricité
La problématique de l’impact environnemental est également une corollaire du développement des ces technologies : la structure actuelle de la blockchain peut impliquer une consommation importante d’électricité, comme en atteste également le minage des cryptomonnaies.
Le Web3, un potentiel encore à explorer
S’il offre des pistes de réflexion intéressantes pour le développement du rayon d’action des entreprises, le Web3 fait cependant face à des défis qu’il est primordial d’anticiper pour les entreprises.
Anthony Rochand met en exergue un point important quant aux challenges liés à l’adoption du Web3 : “Le défi le plus important pour l’adoption du Web 3 par les entreprises sera de faire accepter l’idée de décentralisation des données. Actuellement, une base de données centralisée est considérée comme la norme dans de nombreux secteurs d’activité. Pour que les entreprises fassent le grand saut dans le Web3, elles doivent pouvoir être certaines que la technologie utilisée est sûre, sécurisée et fiable.”
En passe de transformer le monde des entreprises, il peut être judicieux pour ces dernières d’examiner comment leur future organisation peut s’adapter à la transition vers le Web3.