Concilier vie de famille et travail, un défi pour les parents mais prévalent pour les femmes en entreprise

De l'aménagement des congés parentaux à la progression de la flexibilité horaire, des progrès ont été réalisés pour aider les employés à combiner travail et responsabilités familiales. Mais l'équilibre entre sphère professionnelle et sphère privée est-il pour autant de mise pour les parents actifs ? Hommes et femmes sont-ils égaux face aux difficultés à combiner ces deux aspects?

Pour de nombreux employés sur le marché du travail, conjuguer la vie de parents à des obligations professionnelles est une réalité vécue au quotidien. Alors que par le passé, une évolution socio-économique était prioritairement accessible aux hommes, les femmes actives d’aujourd’hui aspirent à suivre une carrière au même titre ; elles restent cependant globalement plus confrontées à la problématique d’ajuster les exigences liées à leurs carrières à celles de leurs responsabilités familiales que les hommes.

Des progrès ont certes été réalisés : on tend à favoriser un meilleur équilibre entre la sphère familiale et celle du travail pour les employés en général, et des avancées telles que l’allongement du congé paternité de 14 à 28 jours (juillet 2021) continuent de tracer le chemin vers l’égalité des genres au travail. Toutefois, certains obstacles sont encore en mesure d’entraver la poursuite de cet objectif.

Ainsi, de nos jours, à quel point opter pour la parentalité tout en menant une activité professionnelle relève-t-il d’un choix particulièrement complexe pour les femmes ? Dans quelle mesure les nouveaux modèles de travail adoptés par les entreprises peuvent-ils affecter l’équilibre des parents dans la gestion de leur vie privée et du travail ? Quelles sont les solutions et avantages susceptibles d’être apportés par le monde de l’entreprise ?

Voici le sujet abordé dans la première partie d’une étude menée par Capterra en janvier 2023 auprès d’un panel de 1013 participants, composé de 499 femmes et de 514 hommes.

Une méthodologie complète est disponible à la fin de cet article.

Choisir entre vie familiale et vie professionnelle, un choix cornélien selon 78 % des femmes interrogées 

Depuis le XXème siècle, la proportion de femmes au sein de la population active est en constante augmentation. De la loi du 13 juillet 1965 permettant aux femmes de travailler sans le consentement de leur mari, jusqu’à celle du 24 décembre 2021 visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle entre femmes et hommes, plusieurs temps forts ont jalonné le parcours des Françaises dans la voie de l’émancipation personnelle et professionnelle.

Toutefois , plus susceptibles que les hommes de connaître une variété d'interruptions de carrière liées à la famille, ne serait-ce que dans le cas d’un congé maternité, elles restent soumises à des objectifs de performance similaires.

Ainsi, sur l’ensemble des femmes interrogées, elles sont une majorité (51 %) à estimer que mener à la fois carrière et vie de famille représente encore une difficulté pour les employées ayant fait le choix de la maternité. 25 % pensent que c’est le cas pour beaucoup de femmes, quand seulement 16 % pensent le contraire, et 8 % ne savent qu’en penser.

En dépit des aménagements juridiques récents réalisés par les pouvoirs publics, fonder une famille demeure un casse-tête pour une majorité d’employées.

Quelles difficultés sont principalement évoquées par nos répondants ?

60 % des employées mères de famille éprouvent des difficultés à concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales 

Créer un environnement dans lequel les employées se sentent à la fois soutenues au travail mais également au niveau personnel est crucial pour une entreprise. Prendre la décision d’accueillir un enfant est l’un des exemples qui représente un changement majeur pour les femmes : cet événement requiert non seulement de mettre temporairement en pause leur vie professionnelle, et peut même soulever des préoccupations quant à la sécurité de leur emploi.

Pour 63 % des femmes ayant fait la découverte de leur grossesse alors qu’elles étaient employées, cette nouvelle n’a été source d’aucune inquiétude quant à leur devenir professionnel au sein de leur entreprise. Toutefois, elles n’en sont pas moins 38 % à s’être senties "assez" (11 %) voire "très préoccupées" (27 %) par de potentielles conséquences professionnelles.

Outre le stress que peut impliquer la pause professionnelle liée à un congé maternité et la crainte d’une accumulation des tâches à assumer lors de leur retour au travail, le paramètre de la parentalité représente également une responsabilité supplémentaire permanente s’ajoutant au quotidien des femmes.

Lorsque la question suivante leur a été posée “Est-il difficile d’équilibrer vos responsabilités parentales et professionnelles ?”, 48 % de l’ensemble des mères de famille interrogées jugent  cette situation comme “plutôt difficile” (42 %) voire “très difficile” (6 %), quand 40 % des hommes interrogés l’estiment comme “plutôt difficile” (38 %) à “très difficile” (2 %).

Par ailleurs, 60 % de cette catégorie de répondantes abondent en ce sens et déclarent être “d’accord” (21 %) voire “tout à fait d’accord”(39 %) avec l'assertion selon laquelle la combinaison des facteurs professionnels et familiaux est source d’une charge mentale additionnelle.

Un flot constant de choix à effectuer dans la vie quotidienne peut s’ajouter aux exigences de leur travail et rendre les parents, notamment les mères, plus vulnérables à certains risques psycho-sociaux professionnels tels que le stress ou la fatigue décisionnelle.

S’il n’est pas du ressort des entreprises d’influer sur l’équilibre des responsabilités parentales de leurs employés, ces dernières peuvent toutefois aider celles et ceux ayant des enfants à charge à mieux accommoder leurs exigences professionnelles avec leurs obligations personnelles. Elles peuvent par exemple réviser leurs politiques d’objectifs à atteindre sur une échelle mensuelle, plutôt que journalière ou hebdomadaire, afin de réduire le stress potentiel lié à une performance optimale quotidienne.

Une autre option envisageable est également d’évaluer si le modèle de travail proposé (présentiel, distanciel, ou hybride) prend en compte autant que possible les défis rencontrés au quotidien par ces salariés.

Ces dernières années ont vu l’émergence du travail à distance qui permet, dans certains secteurs, de limiter les trajets quotidiens vers le lieu de travail et donc d’avoir une certaine flexibilité dans sa vie personnelle. À l’heure où celui-ci tend à se démocratiser, ce système organisationnel est-il pour autant toujours synonyme d’équilibre pour les salariés avec enfants ?

Les nouveaux modes de travail tournent au désavantage pour les mères

Une précédente étude réalisée par Capterra en juin 2022 avait permis de mettre en avant les bénéfices de l'implémentation d’un travail hybride et à distance pour les employés, dévoilant une satisfaction accrue pour 84 % de ceux travaillant selon ce modèle.

Si ce type d’organisation du travail présente plusieurs avantages, qu’en est-il pour les parents concernés, et pour les femmes en particulier ?

En étudiant les réponses données par l’ensemble des parents interrogés, établir des frontières claires entre obligations parentales et professionnelles ne représente un challenge que pour 22 % des parents travaillant à distance, quand 78 % disent au contraire n’éprouver aucune difficulté.

Toutefois, une analyse en fonction du sexe tend à révéler un déséquilibre de taille. Parmi les répondants ayant évoqué une certaine facilité à séparer leur vie privée du travail, 85 % sont des hommes contre 69 % de femmes. Ainsi, lorsqu'il est question des employés éprouvant au contraire des difficultés, les femmes sont les plus affectées (31 %) en comparaison avec leurs homologues masculins interrogés (15 %).

Quelles sont les conséquences sur leur bien-être ressenties par les parents de notre panel ?

L'accumulation de stress est le premier facteur négatif ressenti par les mères travaillant en modèle distanciel ou hybride

Dans l’objectif d’identifier ces facteurs, nous avons demandé aux parents travaillant à distance ou selon un modèle hybride de mentionner quels désagréments sont prévalents dans leur situation.

La sensation de ne jamais être déconnecté(e) du travail (65 %), ainsi que le surplus de stress provoqué par la nécessité de se concentrer à la fois sur ses responsabilités à la maison et dans son cadre professionnel (31 %) font partie des conséquences évoquées.

Bien que les employés et parents de sexe masculin concernés sont ceux qui exposent un coût cognitif légèrement plus fort (67 %) quant à une impression de travail en continu, ce facteur reste toutefois ressenti de façon équivalente par les femmes (65 %). Lorsqu’il est question d’éprouver plus de stress face aux exigences requises par leur vie parentale et professionnelle, les femmes sont en revanche plus nombreuses à en faire l’expérience ( 42 %) que leurs homologues masculins (14 %).

Les nouveaux modèles d’organisation tels que le télétravail présentent des avantages, en écartant la problématique des temps de trajet entre travail et domicile. Toutefois, il existe pour les employés le risque de confondre l'environnement familial avec l'environnement professionnel et de ne plus être en mesure de définir la frontière entre les deux  : garder un enfant malade durant ses heures de travail, effectuer ses tâches domestiques sur des temps de pause sont tout autant de risques susceptibles d’impacter négativement le bien-être général des individus.

Que font les entreprises pour venir en aide aux parents salariés et comment ces efforts, le cas échéant, sont-ils perçus par les deux sexes ?

Un soutien des entreprises jugé insuffisant par la majorité des parents travaillant aussi bien sur site qu’à distance 

Proposer des avantages sociaux, tels que des horaires flexibles ou une aide financière pour le remboursement des soins de santé, peut communiquer un message fort auprès des employés : leur bien-être holistique, au travail aussi bien qu’à l’extérieur du cadre professionnel, compte pour leur employeur.

Pour les parents actifs, ce soutien est d’autant plus important qu’il peut les aider à alléger les contraintes liées à la prise en charge de leurs enfants. Cependant, seuls 20 % de l’ensemble des parents de notre panel, qu’ils soient à distance ou en présentiel, affirment bénéficier d’aides de la part de leur entreprise et en être satisfaits. À l’inverse, 44 % disent ne disposer d’aucun avantage. Entre les deux, 36 % déclarent recevoir un soutien mais que celui-ci est insuffisant pour équilibrer leur vie professionnelle et leur vie privée.

En examinant les réponses des répondants ayant signifié n’avoir accès à aucune aide, les participantes sont majoritairement représentées (60 %) par rapport aux hommes (36 %). 

Si les femmes semblent déployer au quotidien un effort cognitif plus important pour concilier travail et vie familiale, cette problématique reste toutefois bien présente pour les deux sexes. C’est pourquoi un soutien adapté de la part de leur entreprise peut jouer un rôle important dans l’équilibre à atteindre entre domaine privé et professionnel.

Face à un accès parfois complexe aux infrastructures publiques de crèches, aux impératifs récurrents des rendez-vous scolaires peu compatibles avec des horaires de travail fixes, ou au budget de santé d’une famille, certaines aides sont en mesure de faire une différence considérable pour les parents. Pourtant, les avantages de ce type restent peu répandus au sein des entreprises de nos répondants : 73 % déclarent ne bénéficier d’aucun système de garde d’enfants tel qu’une crèche interentreprises, 64 % d’aucune gestion horaire totalement flexible, ou encore d’aucuns bonus ou aides financières pour 63 %.

Afin de  pouvoir proposer des avantages s’adaptant au mieux à la situation personnelle des employés, une consultation peut être réalisée auprès de ces derniers. Que ce soit par le biais d’un questionnaire d’entreprise ou d’un vote ponctuel, une structure peut identifier quels avantages sont particulièrement appréciés par la catégorie des parents concernés, ou au contraire s’avèrent inadaptés.

En outre, une autre mesure peut jouer en faveur du bien-être de l'ensemble des salariés, et pas uniquement de celui des parents : la prise en compte de leur santé mentale.

Un épuisement professionnel égal entre les deux sexes, mais une aisance moindre des femmes à évoquer leur santé mentale

Lorsque interrogés sur le niveau d’épuisement professionnel qu’ils pouvaient ressentir, près de 84 % de l’ensemble de notre panel, hommes et femmes confondus, se déclarent affectés par un épuisement léger à extrême, quand seulement 17 % ont signifié n’éprouver aucun épuisement.

L'épuisement professionnel des employés est un problème important car il a avant tout un impact sur la santé mentale et le bien-être des employés. Les conséquences de ce facteur peuvent même se démultiplier lorsqu’une charge mentale associée à la gestion d’une famille entre en jeu. Mais les participants estiment-ils pour autant bénéficier d’un contexte propice à faire part de ce type de difficultés ?

Lorsque nous leur avons posé  la question suivante “Êtes-vous à l’aise à l’idée de faire valoir l’importance de votre santé mentale au travail ?”, les réponses tendent à pointer vers une plus grande facilité des hommes à évoquer ce sujet :

• la combinaison des réponses  “très à l’aise”, “à l’aise” et “plutôt à l’aise”, révèle une proportion de 78 % d’hommes et de 71 % de femmes 
• la fusion des options “peu à l’aise” et “très mal à l’aise” compte 30 % de femmes et 22 % d’hommes

Pour encourager leurs employés à prendre soin de leur santé mentale, une solution qui peut être proposée est d’inviter ces derniers à prendre des congés si nécessaire.

D'après les résultats de notre étude, il semble toutefois que cette solution soit encore peu  envisagée dans les entreprises de nos répondants. Seuls 38 % de l’ensemble du panel affirment pouvoir prendre des congés payés dédiés à leur santé mentale, dont 41 % sont des hommes et 35 % des femmes.

Une stratégie proactive et inclusive, clé d’une égalité dans le bien-être au travail

Inclure la prise en considération du bien-être à la fois physique et mental de ses employés est un élément à prioriser pour toute entreprise : ce facteur peut être à la fois source d’engagement, mais également générer de l’attractivité auprès de nouvelles générations d’employés de plus en plus soucieuses d’un équilibre professionnel et personnel. Lorsque cet aspect est mis au second plan, la démotivation, l’augmentation du stress, ou encore l’absentéisme chez les salariés font partie des conséquences potentielles encourues.

Comme le révèle notre étude, tous les salariés ne sont cependant pas égaux face aux difficultés liées à la conciliation de leur parentalité et de leurs responsabilités professionnelles : ce facteur constitue un défi particulièrement important pour les femmes, en particulier lorsque ces dernières font le choix d’une vie de famille.

Déployer des actions à la fois proactives et équitables en matière d’écoute, ainsi que des avantages sociaux d’entreprise participant à réduire les frictions entre vie au travail et vie privée peut contribuer à l’implémentation d’un cadre de travail aidant à maintenir un équilibre personnel et professionnel pour tous les salariés, et ce, quel que soit leur statut familial ou leur sexe.