2001, Utah, station de ski de Snowbird. Dix-sept développeurs rédigent le Manifeste Agile. C’est une révolution.
Leur intention : rationaliser le processus de développement logiciel en minimisant le recours à certaines pratiques peu efficaces comme la documentation indigeste, les innombrables réunions et les systèmes trop procéduriers.
Jamais ils n’auraient pu imaginer ce qu’allait devenir le mouvement agile. Aujourd’hui, près de vingt ans plus tard, l’agilité est partout.
Dans le monde professionnel, le mot est sur toutes les lèvres et s’est fait une place à côté de “synergie”, “disruptif”, “créativité” ou encore “penser out of the box“.
Des départements des ventes aux services de transporteurs, c’est à qui sera le plus agile. Mais si l’agilité se démarque des autres termes à la mode, c’est parce qu’elle désigne une approche concrète et précise de la gestion de projets.

Dans cet article, nous allons définir clairement l’agilité. Vous pourrez ainsi reprendre votre chef la prochaine fois qu’il se flattera d’avoir passé une après-midi “agile” à courir de réunion en réunion pour fixer le planning… des prochaines réunions.
En cernant plus nettement l’agilité, vous serez mieux armé pour mettre en œuvre une approche agile au sein de votre organisation et pour repérer les pratiques qui pourraient bénéficier d’un zeste d’agilité, que vous soyez chef de projet ou pas.
Nous expliquerons également la gestion de projets agile en trois exemples concrets – notamment le football (eh oui !)
Définition de la gestion de projets agile
Qu’est-ce que la gestion de projets agile ? La première définition (sans doute la plus pure) est tirée du Manifeste Agile :
Il s’agit de valoriser :
- les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils ;
- des logiciels opérationnels plus qu’une documentation exhaustive ;
- la collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle ;
- l’adaptation au changement plus que le suivi d’un plan.
À partir de ces éléments, on peut définir l’agilité comme une méthode de gestion de projet itérative centrée sur les interactions humaines et le feedback, sur l’adaptation aux changements et sur la production de résultats opérationnels.
Mais décortiquons cette définition d’agile…
- L’approche agile est itérative. Une équipe agile progresse donc pas à pas, ou sprint par sprint, pour élaborer des solutions en tirant des leçons des sprints précédents. C’est ce que préconise la méthode Scrum. Lors du Gartner PPM Summit 2017, Nathan Wilson, directeur de recherche chez Gartner, a défini Scrum comme une “technique d’organisation du travail permettant de promouvoir l’agilité”.
- La gestion agile est donc à la fois une attitude et un état d’esprit. Ce n’est ni un manuel, ni une liste d’instructions, ni une certification. En fait, borner l’approche agile à un cadre rigide est contraire à son essence même. Il existe bien des logiciels de gestion de projets spécialement conçus pour promouvoir l’agilité, mais il n’y a pas de modèle type de gestion agile, comme il n’existe pas de marche à suivre précise pour devenir un virtuose du jazz.
- La gestion de projets agile privilégie une communication efficace plutôt que de la documentation indigeste, des chaînes d’e-mails interminables ou des réunions fastidieuses. Selon les 12 principes du Manifeste Agile : “La méthode la plus simple et la plus efficace pour transmettre de l’information à l’équipe de développement et à l’intérieur de celle-ci est le dialogue en face-à-face.” Si une conversation de dix secondes suffit, pas besoin d’envoyer un
e-mail. C’est le principe de la mêlée quotidienne, aussi appelée daily scrum. - Un processus agile vise avant tout à produire des résultats tangibles et opérationnels après chaque itération. C’est essentiel. Selon les 12 principes, “un logiciel opérationnel est la principale mesure d’avancement”. On peut en fait comparer un processus agile à l’édition d’un roman : l’auteur produit une première version, qui sera révisée selon les suggestions de l’éditeur. Le premier jet ne sera jamais la version finalement publiée.
D’après Cécile Dejoux, spécialiste Agile, “les méthodes agiles ont été inventées par les informaticiens pour débugger les logiciels. Il existe de multiples variantes. Appliquées au management, elles reprennent les principes fondamentaux du Manifeste Agile et ont pour objectif de faire travailler un collectif rapidement pour arriver à un prototype.” Elle continue : “Agile, c’est une méthodologie qui repose principalement sur 4 axes : la rapidité de proposition (ce qui implique le droit à l’erreur), le feedback continu dans une logique d’itération, le prototypage comme mode de création et la communication directe entre les personnes plutôt que l’application de procédures.”
Pourquoi tabler sur l’agilité ?
Vous avez maintenant une idée plus claire de l’agilité. Mais pourquoi devriez-vous l’adopter ?
Selon le Project Management Institute, plus de 70 % des entreprises ont introduit de l’agilité dans leurs processus et plus d’un quart des activités industrielles reposent exclusivement sur une approche agile.
Et en France aussi, la méthode Agile a le vent en poupe. Cécile Dejoux explique : “Depuis 5 ans, il y a une montée en puissance des méthodes agiles dans le cadre de la transformation numérique des entreprises, quelle que soit leur taille. Et ce phénomène est également très lié aux nouveaux espaces de travail qui favorisent le travail collaboratif et créatif.”
En outre, selon une étude de Price WaterhouseCoopers, les projets agiles ont 28 % plus de chances d’aboutir que les projets traditionnels.
Bref, si vous n’avez pas encore adopté une approche agile, vous faites partie d’une espèce en voie de disparition. Alors ne restez pas à la traîne !
Quelques exemples concrets de gestion de projets agile
Des livres entiers sont consacrés à la gestion de projets agile et elle peut être abordée de cent façons différentes selon ses domaines d’application. Mieux vaut donc la définir par l’exemple. Voici trois cas concrets d’application de la méthode agile dans la vie courante.
1. Les repas sur-mesure

Vous connaissez sans doute la tendance des repas sur-mesure dans la restauration rapide. Au Subway, par exemple, votre sandwich est préparé par étapes selon vos instructions.
Plus de fromage ? Moins de fromage ? Un autre type de pain ? Poulet ou jambon ? Faites votre choix !
À chaque étape, le gestionnaire de votre repas (l’employé derrière le comptoir) vérifie que le projet culinaire (le sandwich) prend forme comme vous le souhaitez. Vous êtes ainsi assuré de déguster un délicieux sandwich perfectionné au fur et à mesure de son élaboration, grâce au dialogue établi entre vous et l’employé.
2. Genius Bar d’Apple

Malgré leur dénomination prétentieuse, les centres d’assistance Genius Bar d’Apple sont un parfait exemple de gestion agile.
Pour faire réparer votre iPhone ou votre iPad, pas besoin de remplir un long formulaire ni de faire la queue durant des heures. Il vous suffit de prendre rendez-vous sur Internet au Genius Bar le plus proche de chez vous, puis de vous y rendre au moment venu. Une fois là-bas, vous prenez place sur les chaises hautes et attendez votre tour tout en discutant avec votre voisin, comme si vous étiez au bar du coin. Rien à voir avec votre dernier rendez-vous à la préfecture ou à la mairie.
Le Genius Bar est agile parce qu’il est axé sur la communication. La personne qui s’occupe de vous vous pose des questions et prend des notes. En d’autres mots, comme le dit le Manifeste Agile : “Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils.”
Bien sûr, chaque employé applique des procédures définies et utilise des outils spécifiques (l’iPad pour prendre des notes, par exemple), mais c’est la discussion qui prime.
3. Le football

Tout entraîneur de football doit avant tout être un manager agile. Ça vous semble tiré par les cheveux ? Pourtant, chaque saison est un énorme projet jalonné par les matches disputés, et chaque match est une itération.
Que se passerait-il si l’entraîneur alignait systématiquement les mêmes joueurs sans tenir compte des blessures, des erreurs tactiques ou des derniers scores ? Les résultats seraient catastrophiques. Même Zizou, qui a remporté cette année la Ligue des Champions pour la troisième fois consécutive avec le Real, a dû régulièrement faire des changements.
Au fond, le football est une parfaite illustration de gestion de projets agile. L’entraîneur et les joueurs communiquent pendant le match (l’équivalent sportif des réunions Scrum), les résultats sont visibles sur le terrain (pas envoyés par e-mail) et l’objectif à atteindre au terme de chaque itération est concret (gagner ou perdre).
Et c’est la même chose pour la Coupe du Monde. Alors pour faire gagner les Bleus, espérons que Didier Deschamps soit agile, lui aussi !
Vous aussi, vous pouvez être agile !
Si vous avez compris que la gestion de projets agile repose avant tout sur les interactions humaines, sur l’adaptation aux changements et sur la production de résultats opérationnels, vous êtes sur la bonne voie. Mais l’évolution et les transformations font partie intégrante de l’agilité, ce qui permet à chacun de l’envisager à sa manière. Alors, lancez-vous !
Vous avez déjà appliqué la méthode agile des post-it ou des scrum boards ? N’hésitez pas à commenter cet article en nous expliquant tout sur votre méthodologie favorite. Vous voulez vous lancer et vous cherchez un logiciel agile de gestion de projets ? Consultez notre catalogue.
À propos de l’expert

Cécile Dejoux est Professeur des universités Cnam, affiliées à l’ESCP Europe. Elle est également Directrice de la Chaire “Learning Lab Human Change” fondée avec Julhiet Sterwen. Elle a publié plusieurs ouvrages sur la gestion des talents et le management en général (le dernier en date étant “Métamorphose des managers à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle”, en collaboration avec Emmanuelle Léon) et a collaboré dans diverses revues.