Quelles sont les pratiques de surveillance des salariés en France ?

Publié le 21/04/2022 par Emilie Audubert

Après un premier article consacré à la perception des Français en matière de surveillance et d’utilisation des données à l’ère de la crise sanitaire, Capterra se penche sur cette thématique du côté des entreprises. Découvrez dans cet article quelles pratiques sont appliquées en matière de surveillance des employés français.

Pratiques de surveillance des employés en France

Distanciation sociale et mesures de confinement ont pu amener les entreprises françaises à des ajustements opérationnels. De nombreuses activités, autrefois effectuées en présentiel, ont ainsi dû être réalisées à distance, générant de ce fait une accélération de la digitalisation du monde des entreprises (article en anglais). 

Si la mise en place du travail à distance illustre cette tendance, elle met aussi en lumière la problématique du suivi des employés. Pour y répondre, certaines entreprises ont choisi d’adopter des logiciels de surveillance pour évaluer les activités de leurs collaborateurs.

Bien que légale, cette pratique reste fortement réglementée en France, non seulement pour la protection des informations personnelles qu’elle implique, mais aussi pour prévenir les risques d’utilisations abusives de ces dernières.

Quelles pratiques sont opérées par les entreprises françaises à l’ère de la crise sanitaire ? Pour répondre à cette question, Capterra a réalisé une enquête en deux volets auprès de 1 422 Français, parmi lesquels une sélection de 706 salariés a été consultée pour cette seconde partie. La méthodologie détaillée de cette enquête est disponible à la fin de cet article. 

Les entreprises respectent-elles le cadre légal de la surveillance au travail ?

Définition de la surveillance au travail

La surveillance au travail se définit comme toute pratique visant à recueillir et traiter les informations liées aux activités et à la localisation des salariés dans le cadre de leurs activités professionnelles. Ce principe recouvre l’évaluation de l’efficacité opérationnelle des équipes, en monitorant par exemple leurs horaires et leur charge de travail.

Elle s’étend également au domaine de la sécurité informatique, de par le contrôle de l’usage fait par les employés de leur matériel.

Si la loi autorise la mise en œuvre de mesures de surveillance au travail, ces dernières restent soumises à des clauses spécifiques. Ce cadre juridique vise à garantir le respect de la vie privée du salarié et de ses données personnelles, mais aussi à prévenir les pratiques abusives de contrôle.

Pour répondre à ces obligations, les entreprises faisant usage d’un système de surveillance se doivent de respecter des clauses spécifiques, soit :

  • La justification et la proportion du contrôle : Cette clause correspond à la définition du cadre et du but dans lequel est appliquée la surveillance, soit par exemple les raisons de leur mise en place et les normes en vigueur selon lesquelles ce principe est appliqué.
  • L’information préalable des employés : avant toute mise en place de mesures, il est obligatoire pour l’entreprise d’informer individuellement chaque collaborateur par écrit. 
  • La consultation des représentants du personnel : la loi prévoit une procédure de consultation des comités d’entreprise et comité social d’entreprise afin d’assurer une transparence sur les moyens employés.
  • Une déclaration auprès de la CNIL : tout traitement de données personnelles des salariés implique une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, sous peine d’amende en cas de non-respect de cette formalité.

Parmi les employés interrogés, 65 % déclarent ne pas disposer de mesures de surveillance sur leur lieu de travail, tandis que 23 % affirment que leur entreprise utilise au moins un outil de surveillance. Toutefois, 12 % des participants indiquent ne pas savoir si leur entreprise a mis en place de telles mesures.

Selon notre étude, la clause d’information préalable semble respectée par la majorité des lieux de travail des employés, parmi ceux disposant d’un protocole de surveillance. Ils sont une majorité de 62 % à déclarer avoir reçu une information écrite de la part de leur direction sur le sujet, en accord avec la loi.

Toutefois, certaines entreprises paraissent appliquer des mesures en non-conformité avec le cadre juridique applicable : 21 % de ce même groupe de salariés indiquent avoir été informés verbalement, quand 17 % d’entre eux déclarent n’avoir reçu aucune information.

Méthode d’information des employés quant à la mise en place de mesures de surveillance au travail

Obtenir le consentement des salariés est un point essentiel pour la mise en place de ces mesures. Recourir à des moyens de pression pour les appliquer est punissable par la loi et peut exposer les entreprises à des sanctions importantes en cas de non-respect.

Bien que 54 % des salariés concernés par des protocoles de surveillance au travail déclarent les avoir acceptés parce qu’ils le souhaitaient, 29 % partagent toutefois avoir ressenti une certaine pression pour les adopter, 6 % affirmant même avoir consenti à leur application sous la pression. 

Évaluation du consentement des employées pour l’adoption de mesures de surveillance

Expliquer clairement auprès de ses collaborateurs les enjeux liés à la mise en place de protocole de surveillance est essentiel, non seulement d’un point de vue légal mais aussi pour faciliter leur adoption. Plutôt que d’identifier les améliorations auxquelles contribuent les outils de surveillance, telle que l’optimisation de la répartition des charges de travail, les salariés pourraient se concentrer sur une perception négative du contrôle de leurs activités.

Si la mise en place de protocoles de surveillance permet aux entreprises de contrôler la productivité ou les risques de sécurité informatique liés à l’activité des salariés, respecter le consentement tacite de leurs employés s’avère primordial.

L’examen régulier des mises à jour des lois via un logiciel de recherche juridique peut aider les services juridiques des entreprises à se conformer au cadre qui correspond à leurs protocoles de surveillance des employés. Une fois dûment informés par écrit, les salariés doivent également avoir l’option de pouvoir se référer aux documents officiels des politiques auxquelles ils ont consenti. De nombreux logiciels de ressources humaines proposent parmi leurs fonctionnalités la possibilité de stocker ces informations et de paramétrer leur accessibilité. Cette option peut notamment aider les managers ainsi que le département de ressources humaines à diriger les employés vers les sources d’informations à consulter.

Quelles sont les raisons des entreprises pour monitorer leurs employés ?

Nous avons voulu savoir si la crise sanitaire a contribué à la décision de certaines entreprises françaises de surveiller les activités de leurs employés. Sur l’ensemble du panel interrogé,  seuls 7% des employés mentionnent la mise en place de cette pratique dans un contexte post-pandémique, quand 16 % indiquent que ces protocoles étaient préexistants à la crise sanitaire. Le paramètre de la pandémie semble avoir donc eu peu d’incidence sur l’implémentation d’outils de surveillance.

Proportion des employés déclarant disposer de protocoles de surveillance au travail

En ce qui concerne les employés qui affirment avoir connaissance de mesures de contrôle dans leur entreprise, ces derniers font état d’une liste d’activités surveillées sur leur lieu de travail. Les trois activités les plus communément surveillées sont :

  • la présence, soit le temps de connexion et de déconnexion, temps d’activité et de repos, présence, jours de maladie (62 %)
  • la gestion du temps, soit le temps total passé sur les tâches individuelles, temps passé sur les projets, calendrier de travail (61 %)
  • la gestion de la charge de travail, soit les listes d’actions, calendrier de travail, objectifs, KPIs (Key performance indicators) (42 %)

Deux domaines restent toutefois peu soumis à de la surveillance, soit l’utilisation d’un compte personnel pour naviguer sur les réseaux sociaux (5 %), ou le suivi du bien-être physique et de la santé à l’aide de technologies portables (5 %). 

les 6 activités principales surveillés sur le lieu de travail

Analyser les facteurs pouvant influer sur les performances et la productivité des employés semble ici se dégager comme la raison principale pour laquelle une partie des entreprises françaises souhaite monitorer l’activité de ses salariés.

Quelle est toutefois la perception générale de ces derniers à l’égard de ces pratiques ?

Prendre en compte les indicateurs de performance de son activité peut permettre aux entreprises d’appliquer des mesures correctives et d’orienter leurs décisions. Des solutions logicielles de business performance peuvent intégrer des informations quant aux indicateurs de performances clés (Kpis) tout en les associant à une planification stratégique.

Si des pratiques de surveillance sont appliquées en entreprise, il est donc important de pouvoir analyser en quoi les données qui en sont tirées peuvent contribuer aux objectifs globaux à atteindre.

Quelle est la perception des salariés quant à la surveillance ?

Pour les entreprises, la surveillance des activités menées sur le lieu de travail peut présenter plusieurs avantages, dont celui de pouvoir cibler tout problème de performances 

opérationnelles des équipes, ou encore d’assurer une répartition des tâches plus équilibrée. Ces bénéfices sont également identifiés par l’ensemble du panel des 706 employés interrogés. Lorsque leur est posée la question suivante, soit “Quels sont, selon vous, les principaux avantages de la surveillance des employés ? Choisissez jusqu’à 5 réponses”, les quatre avantages soulignés par ces derniers sont les suivants :

  • Les employeurs ont un meilleur aperçu des activités quotidiennes de l’entreprise (40 %)
  • Les erreurs peuvent être détectées avant qu’elles ne soient problématiques (33 %)
  • Les employeurs ont une meilleure visibilité des employés les plus performants et les moins performants (33 %)
  • Les managers peuvent déléguer plus facilement le travail en fonction de la charge de travail du personnel (30 % )

Cependant, à l’heure où la pandémie a imposé plusieurs contraintes auprès des personnes et des employés, pesant parfois sur leur bien-être au travail et leur santé mentale, l’implémentation d’outils de contrôle peut-être perçue comme une source de préoccupation supplémentaire. Ils sont ainsi une majorité de 68 % sur l’ensemble des répondants à considérer comme négatif pour l’entreprise l’impact de l’utilisation de méthodes de surveillance.

Perception de l’impact des méthodes de surveillance au travail

Si 52 % des employés concernés estiment que leurs entreprises effectueraient toute opération de surveillance en accord avec le cadre légal établi, ils semblent conserver certaines réserves, explicitées par les préoccupations qu’ils mettent en avant : l’impact négatif sur la confiance (72 %), l’atteinte à la vie privée (64 %), ou encore l’augmentation du stress du personnel (64 %) font ainsi partie des trois craintes principales évoquées. 

Principales préoccupations des employés Français quant à la surveillance au travail

Bénéficier de l’adhésion et de l’engagement de ses salariés est un critère à ne pas négliger pour l’entreprise, d’autant plus lorsqu’il s’agit de la mise en place de politiques concernant de près leurs conditions de travail.

Cerner au préalable quelles peuvent être leurs inquiétudes est une première étape à envisager. Les résultats d’un sondage d’entreprise, mené en amont, peuvent apporter des indications sur leurs ressentis et les interrogations à prendre en compte.

Leurs avis et suggestions peuvent de même être sollicités tout au long de la mise en application des mesures. Que ce soit lors d’ateliers de formation et d’échanges sur le sujet, ou encore en analysant les retours d’une enquête mensuelle de satisfaction du personnel, les retours des employés sont susceptibles d’aider les entreprises à ajuster ou orienter leurs actions,tout en engageant la contribution directe des employés.

L’application de politiques de surveillance au travail nécessite un consensus

Bien que les employés interrogés lors de notre étude placent une certaine confiance en leur entreprise en matière de respect des lois, le recours à des technologies visant à surveiller leurs activités soulève cependant des interrogations.

Alors que la digitalisation des processus de travail, encouragée par la pandémie, a pu rendre plus ténue la frontière entre temps personnel et temps de travail, le déploiement d’une surveillance peut être jugée comme intrusive voire contre-productive par les employés.

Comme le souligne Gartner (article en anglais), communiquer les bénéfices et les améliorations auxquels contribuent ces outils est une approche à considérer. Mettre en avant leurs bénéfices pour l’optimisation de l’expérience des salariés est par exemple un moyen d’en faciliter l’adoption.

Savoir définir et collaborer autour des objectifs de mesures de surveillance, mais aussi adresser de façon transparente les inquiétudes de leurs équipes, sont des éléments clé pour les entreprises souhaitant introduire ces méthodes de contrôle.

Et maintenant ? Consultez notre catalogue de logiciels de surveillance des employés pour trouver l’outil qu’il vous faut.

Méthodologie :

Pour collecter les données de ce rapport, nous avons mené une enquête en ligne en février 2022 en deux volets. L’enquête a été envoyée à 1422 participants dont 706 employés ont été sélectionnés pour y participer. Les critères de sélection des participants sont les suivants :

  • Résident français
  • Être âgé de plus de 18 ans
  • Employés à temps plein ou à temps partiel
  • N’occupant pas un poste de propriétaire ou de direction
  • Travaillant dans une entreprise de 2 à plus de 5000 employés
  • Capable d’identifier la définition d’un outil de suivi des employés comme “un outil permettant de suivre la charge de travail, les tâches et la présence des employés”.


REMARQUE : cet article a pour but d’informer nos lecteurs des problématiques liées au monde de l’entreprise en France. Il n’est en aucun cas destiné à fournir des conseils juridiques ou à approuver un plan d’action spécifique. Pour obtenir des conseils sur une situation spécifique, consultez votre conseiller juridique.

Cet article peut faire référence à des produits, programmes ou services qui ne sont pas disponibles dans votre pays, ou qui peuvent être limités par les lois ou règlements de votre pays. Nous vous suggérons de consulter directement l'éditeur du logiciel pour obtenir des informations sur la disponibilité du produit et le respect des lois locales.

À propos de l'auteur

Emilie, analyste de contenu pour Capterra, à l'affût des dernières tendances technologiques et stratégiques pour PME. Spécialisée en e-commerce, fan de podcast audio et de carlins.

Emilie, analyste de contenu pour Capterra, à l'affût des dernières tendances technologiques et stratégiques pour PME. Spécialisée en e-commerce, fan de podcast audio et de carlins.